Elliot Stewart

I. Tu nais pendant une chaude après-midi à la fin de l’été 1950 dans l’État du Wisconsin, deux sorciers t’enlacent auprès deux. Tu es leur enfant, le seul qu’ils aient réussi à concevoir après bien des années d’essais, et ils veulent te chérir plus que tout au monde. Tu ne manques de rien en grandissant, tes parents ne sont pas vraiment riches mais ils ont tout de même assez de Dragots pour te faire vivre loin de la misère, à l’abri du besoin. En prenant quelques années, tu manifestes déjà une attirance pour les animaux qui t’entourent. Tu n’hésites pas à t’approcher des hiboux porteurs de lettres pour les remercier par quelques caresses et friandises, tu profites aussi des errances de chiens et chats appartenant à vos voisins Non-Maj’ pour jouer avec eux, chose pendant laquelle tu es bien souvent arrêté, soulevé du sol par ton père qui te rappelle que le Congrès magique des États-Unis d’Amérique peut sévir si tu persistes à t’approcher avec trop d’imprudence auprès des Non-Maj’. Ils n’ont pas vraiment peur de ce que ces derniers peuvent te faire, ils ne les voient aucunement comme une menace, mais ils craignent surtout de te perdre à cause des châtiments infligés par le COMEUDA.
II. A onze ans, tu te tiens sur le nœud gordien gravé dans le granite sombre du château d’Ilvermorny, fixant les quatre statues qui te surplombent de leur hauteur. Alors que celle qui représente l’Oiseau-tonnerre se met à battre des ailes pour t’inviter à rejoindre sa maison, le Puckwoodgenie pointe sa flèche vers le plafond en guise de signe d’accueil. Prenant quelques secondes de réflexion, tu te décides enfin à passer le reste de tes études de sorcellerie au sein de la maison du Puckwoodgenie. Il se trouve que tu excelleras dans tes études, en particulier pour les matières ayant rapport à la nature et en création et manipulation des potions, et tu sortiras de l’école diplômé et figurant fièrement parmi les dix meilleurs élèves de ta promotion.
III. Toujours attaché à cet amour que tu développes depuis ta tendre enfance pour les animaux et les créatures en tous genres, tu te diriges aussitôt vers une formation de deux ans au centre de recherche en magizoologie au cœur d’une forêt dont tu as fait serment de taire le nom. Après ces deux fabuleuses années, tu parviens à intégrer la Société de Protection des Espèces Magiques au sein du COMEUDA, qui te recrute pour observer les Bigfoots et prévenir le gouvernement de tout comportement anormal pouvant mettre en danger la vie de n’importe quel Sorcier. Il faut dire qu’ils avaient très mal vécu La Grande Rébellion de ces créatures à la fin du 19ème siècle et avaient depuis ce moment eu du mal à les laisser vivre tranquillement de leur côté, sans surveillance. La tâche n’a rien de particulièrement difficile, il te suffit de rester assez éloigné d’eux tout en les gardant en visuel ou assez proches pour pouvoir être entendus. Les journées passent lentement, tu rêves de pouvoir aller leur parler, de les étudier avec plus de précision, de ne pas avoir à te focaliser sur eux en particulier, mais plutôt être envoyé pour parcourir le territoire afin de découvrir de grands nombres d’espèces. Tu es jeune, tu as le droit de rêver sur ce que l’avenir te réserve. Prenant ton mal en patience, tu observes les vas-et-viens des humanoïdes, tu les dessines et tu entraînes ainsi ton coup de crayon. Cette mission ne te sera imposée que pour une durée de six mois, après cela tu remplis quelques autres travaux commandités par le COMEUDA, avant de décider de prendre du temps pour toi et ainsi parcourir le territoire américain avec un sac sur le dos, vivant au jour le jour, à la recherche d’espèces à observer pour plusieurs semaines, parfois quelques jours seulement. Faire cela te permet d’accumuler grand nombre de connaissances à propos des créatures magiques, mais aussi d’acquérir une expérience sur le terrain et une débrouillardise quasiment semblable à celle d’un Non-Maj’. En même temps, il est hors de question de transplaner pour rentrer passer la nuit chez toi alors que tu observes patiemment le nid de vivets dorés à quelques dizaines de mètres devant toi. Cette espèce est sûrement la plus rare que tu aies pu observer, et tu garderas probablement cette image en souvenir pour le restant de tes jours. Bien que tu crois aussi avoir entraperçu un oiseau-tonnerre à un moment donné, tu as entre autre surtout pu croiser la route de clabberts, jobarbilles, gnomes, veaudelunes, chartiers, fléreurs, musards et noueux.
IV. Armé de tes vingt-six printemps et de ta baguette magique, tu te décides à partir en voyage. L’opportunité de retourner en tant que larbin au service de la Société de Protection des Espèces Magiques ne t’enchante guère, et tu n’as pas non plus envie de négocier un poste de magizoologiste plus digne de tes talents. Tu sais bien que la loi Rappaport a été abrogée il n’y a pas tant de temps que cela, et tu te doutes bien que certaines grandes personnes du COMEUDA restent avec dans la tête cette idée d’un secret absolu entre Sorciers et Non-Maj’ et une interdiction d’entretenir un quelconque contact entre les deux communautés. Ces idéaux te débectent, malgré une enfance dans laquelle tu étais plongé au cœur de cette loi, tes parents n’ont pas eu ce type d’éducation à te donner et tu considères les Non-Maj’ comme des semblables, non pas comme des ennemis. Cette légère aversion pour le gouvernement du sol Nord-Américain te pousse alors à faire tes valises pour un voyage dont tu n’as aucune idée de la date de fin, et tu t’envoles aussitôt pour la Grande-Bretagne après un long au-revoir à tes parents.
V. Tu songeais parcourir le pays, en dépit de la guerre sévissant, de manière similaire à ce que tu avais déjà fait sur ta terre natale, à la recherche d’espèces à observer, à dessiner, ou pour rencontrer des personnes pouvant t’apporter des connaissances sur les créatures magiques présentes sur le territoire britannique. Mais ton voyage prend une tournure totalement différente lors de ta première semaine d’aventure, dans le Pays de Galles, lorsque tu fais la rencontre de Eira. Elle s’avère être une Moldue galloise d’origine, et elle te fera vivre des aventures d’un tout autre type. Tu es vraiment heureux, et c’est une chose que tu n’aurais pas pu vivre aux États-Unis, ou vraiment très difficilement. Ainsi tu ne regrettes pas ton exode, mais tu crains une seule chose : que la révélation de ta véritable nature ne la fasse fuir. Alors que tu tombes éperdument en amour pour cette fille de trois ans ton aînée, tu penses qu’il est venu le moment de retirer le voile sur tes pouvoirs magiques. Au début elle ne te croit pas, ensuite ça la fait rire, puis tout sourire quitte son visage durant plusieurs minutes qui te semblent durer des heures, avant de retrouver ses lèvres collées aux tiennes, te murmurant entre deux baisers qu’elle t’aime. Dans la foulée, vous décidez d’emménager ensemble, dans l’appartement qui sera le vôtre pendant bien des années dans la ville de Gloucester, en Angleterre.
VI. A présent dans une situation stable, tu penses qu’il pourrait être sage pour le bien-être de ton foyer de retrouver un travail. Cette tâche ne sera pas vraiment compliquée du fait de tes excellents résultats scolaires à Ilvermorny et de ton expérience auprès du COMEUDA, sans oublier les connaissances personnellement acquises sur toutes sortes de créatures, tu parviens haut la main à devenir magizoologiste pour le Ministère de la Magie, au Département de contrôle et de régulation des créatures magiques, dans le Service des animaux. Tes tâches sont variées et vont de l’observation animalière au recensement de spécimens, et tu viens parfois en aide au Service des nuisibles pour venir à bout des menaces possibles causées par les créatures de catégorie XXXX ou plus.
VII. On peut dire que ta vie est une vie rêvée : tu fais un travail qui te passionne et dont tu rêves depuis ta plus tendre enfance, tu as à tes côtés une superbe femme qui te comble de bonheur quotidiennement, et tu seras dans quelques mois le père d’un adorable enfant. Eira en est à son huitième mois de grossesse lorsque tu es appelé d’urgence ce matin d’hiver, le Ministère de la Magie te demande de te rendre sur une plage galloise sur laquelle a trouvé refuge un quintaped. Embrassant le front de ta femme au ventre bien rond, tu transplanes jusqu’au lieu donné, non loin d’un village Moldu. La créature étant renommée comme agressive, d’autres Sorciers affluent par dizaines pour tenter de maîtriser la bête sans créer trop d’attention sur la plage, lancer un sortilège d’amnésie à tout le village serait un peu trop contraignant pour le Ministère. Un sortilège Repousse-Moldu lancé autour de la plage suffit à vous assurer la tranquillité nécessaire le temps d’accomplir votre tâche. Une fois cette dernière accomplie, et ce au soleil couchant, tu retournes à ton appartement pour te retrouver face à la porte d’entrée entrouverte, l’intérieur totalement vidé de toute présence humaine. Alertée par les cris que tu pousses en appelant le nom de ta femme, ta vieille voisine t’apprend qu’Eira a perdu les eaux, et a été emportée en ambulance à l’hôpital le plus proche. Sans perdre une seconde de plus, tu es déjà en train de parcourir les couloirs ternes sentant l’aseptisant, à la recherche de la chambre de ta femme. Tu es rejoint à l’accueil par un médecin qui t’apprend que tu es le père d’une petite fille en parfaite santé, mais que tu es devenu veuf. Le travail de l’accouchement aura été trop éprouvant pour Eira, et ses dernières paroles auront été les vociférations de ton prénom, des larmes plein le visage et le cœur empli de tristesse par ton absence.
VIII. Ayant rempli le rôle de mauvais mari lors d’un moment plus que crucial, tu te fais la promesse de ne pas remplir celui de mauvais père. Séchant tes larmes et tentant du mieux que possible de faire cicatriser ton cœur, tu négocies avec le Ministère de la Magie pour obtenir un poste bien plus stable te permettant de passer un maximum de temps auprès de ta fille, et de lui pourvoir une éducation dont vous aviez déjà discuté Eira et toi, une éducation qui vous semblait être la meilleure.
IX. Sur le quai 9¾ de King’s Cross, tu embrasses une dernière fois les joues de ta fille et la serre fort dans tes bras, et tu la libères finalement de ton étreinte pour la regarder grimper à bord du Poudlard Express. Sa main s’agite lorsque le train l’emporte un peu plus loin de toi à chaque seconde, et rien que cette petite main t’arrache une larme que tu sèches d’un revers de la main. Pendant les années qui suivent, tu es amené à suivre avec attention les études de ton enfant, tout en restant vigilant face à ce qu’il se trame autour de l’élève de Gryffondor Harry Potter. Tu crois d’ailleurs ce dernier lorsqu’il affirme que Voldemort est revenu, ce n’est pas vraiment un sujet que l’on aborde avec plaisanterie quand on connait le sort qu’ont connu ses parents. A moins d’être totalement idiot et dénué de tout sentiment. Raison de plus pour redoubler de vigilance quant à la sécurité de ta fille, tu n’hésites d’ailleurs pas à l’empêcher de revenir à la maison pour certaines vacances scolaires, un voyage en train est rarement totalement sécurisé. D’autant plus que tu n’as pas oublié l’épisode des Détraqueurs investissant le Poudlard Express lors de sa première année. C’est à la même période qu’elle n’a pas manqué de te faire comprendre qu’elle entrait bel et bien dans l’adolescence, te faisant remarquer injustement que Maman m’aurait sûrement laissé plus de liberté, elle ou encore un coup de couteau dont les enfants ne comprennent pas la véritable envergure quand elle t’a dit que la perte d’Eira était entièrement de ta faute et que ta famille ne comptait absolument pas pour toi puisque tu n’avais pas jugé utile d’assister à sa naissance. Tu n’avais jamais rien rétorqué à ses attaques, et depuis votre relation n’avait fait qu’empirer.
X. Et puis le monde des Sorciers a dégénéré. Voldemort s’empare du Ministère de la Magie et de tout ce qui est à sa portée, ce qui t’inclut. Ta fuite entraînait sûrement la mort. Tu ne pouvais te résoudre à laisser ta fille seule. Mais rester pour aider à faire tourner ce qu’ils appellent un Ministère allait causer des morts aussi. Un exil et ils te retrouveraient, te tueraient puis iraient raconter par la suite une histoire montée de toute pièce pour tenter de corrompre ton enfant. Rester et subir la pression et l’intimidation, c’était la seule solution. Peut-être pourrais-tu essayer de faire en sorte que les missions qui t’étaient données ne se passent pas nécessairement comme prévu. C’est en tous cas ce que tu tentes de faire quand on te demande d’aller négocier avec les créatures magiques pour les rallier à la cause du Mal. Certains géants ont malheureusement tout de même répondu à l’appel et se sont joints à la bataille, causant probablement bon nombre de morts. Morts que tu portes lourdement sur tes épaules encore aujourd’hui. Le pire de cette période reste toujours la même chose : tu n’as aucune idée de ce qu’il advient de ton enfant, et cette culpabilité d’abandon te ronge jour et nuit.