a. sweeney moran - lovely weather, isn't it ?

J’ai grandis en Irlande, dans les landes désertiques aux falaises abruptes perchées au-dessus de l’océan, au milieu de marécages et de forêts sombres. J’ai longtemps vécu au bout du monde, si bien que je n’ai jamais connu que la société magique et ses traditions jusqu’à l’âge de dix-sept ans. Ironique, puisque je suis un cracmol.

Mes parents ne voulaient pas le croire, alors qu’à dix ans je n’avais pas manifesté mes pouvoirs.
Il a fallut que mon grand-père leur rappelle que Poudlard n’oublie jamais personne; si à onze ans je n’avais toujours rien reçu c’était bel et bien que je n’étais pas un sorcier. Pas de doute là-dessus.

Oh, il était pas du genre à dramatiser papi. Pour lui c’était pas grave, ça l’arrangeait même parce qu’il m’a toujours beaucoup aimé.
Moi aussi je l’adorais, mais comme j’avais l’impression d’être un échec aux yeux de toute ma famille, je l’ai abandonné là-bas. Puis de toute façon, cet endroit était peuplé par tous mes démons… Aujourd’hui encore plus.
Je suis parti à la Ville dès que j’ai pu, à l’ancienne, comme une fugue. Pap, il a toujours voulu visiter la Ville. Maintenant il est mort et je m’en veux beaucoup. Peut-être que j’aurais dû l’emmener. J’ai encore moins de raisons de retourner là-bas, du coup. Je ne suis pas très courageux.

Je veux dire, quand j’habitais dans la vieille maison en pierre qui a abrité les Moran générations après générations, avec mon père, ma mère, mon grand-père et le gros chien – Rudolf -, ça se passait pas si mal que ça. J'ai pas été battu ni rien, on me nourrissait à ma faim mais...
Ils disaient m’aimer comme j’étais, pourtant, je ne pourrais jamais oublier quand Mam et Pa ont compris. Sans être des sang-purs, ils sont très fiers d’être des sorciers. Alors avoir un fils qui ne leur ressemble pas ? Ça paraissait improbable et moi qui détestait déjà ce monde éloigné de la réalité, je crois que ça m’a suffit.
Je n’avais aucunement envie de prendre le relais de leur (soit-disant réputé) élevage de Chartier.

Il était peut-être temps pour moi de voir autre chose : on m’a dispensé une éducation sommaire mais j’avais la chance d’être curieux.
J’ai appris à lire seul, je peux reconnaître toutes les créatures, les champignons et les plantes des bois, ainsi que les différents coquillages qui s’échouent sur le rivage en contrebas des chutes rocheuses, je peux compter, calculer, je connais l’Histoire de mon pays…

Nous avons hérité d’une bibliothèque d’apparence simple mais fournie de plus en plus richement au fur et à mesure des années par des livres de toutes les horizons ; c’était mon petit paradis, surtout à la fin. On s’ennuie vite du monde sauvage une fois qu’on a joué à l’explorateur durant six ans.

Quand j’en avais huit, j’ai vu un Kelpy emporter un randonneur dans les profondeurs d’un lac. Je savais ce que font ces monstres. Ça m’a terrifié, c’était comme si j’avais vu un meurtre sous mes yeux. J’en ai informé les autorités sorcières mais de toute façon c’était trop tard.
Plus tard, j’ai croisé sur mon chemin des diablotins et on ne dirait pas comme ça, mais ils sont encore PIRES que les chevaux tueurs, ou que les strangulots, parce qu’ils se baladent en bandes.
Une fois qu’ils ont trouvé une victime, ils ne la lâchent pas avant qu’elle ne les distance (et c’est très dur, croyez-moi) et Merlin… c’est d'eux dont j’ai appris mes farces et attrapes les plus désagréables. Et encore, ce ne sont que de pâles reproductions.

Alors voilà, j’avais dix-sept ans, la majorité sorcière tout juste et j’ai filé à l’anglaise une nuit, en traçant droit sur le seul chemin qui me mènerait à la gare la plus proche. J’avais quelques économies, très peu, un sac à dos enchanté et tout le nécessaire pour tenir longtemps même sans argent.
Avantage d’être un cracmol : je peux me faire passer pour un sorcier. C’est comme ça que j’ai bossé dans une taverne d’un petit village de la côte Est tout en me mettant au courant de l’actualité magique. J’ai du rester là un an et demi, sous-couverture d’une baguette cassée (ce qui m’a ouvert les portes de la chambre d’ami d’une mamie attendrie par mon regard de chiot). Personne ne m’a posé de questions, j’ai trouvé ça louche.
Dès que j’ai réunis assez, je me suis embarqué sur un bateau en direction de Londres.
Là commence la vraie aventure… je me suis fait connaître au Chemin de Traverse grâce à mes rencontres des mois précédents, j’ai été engagé (en tant que cracmol cette fois-ci) dans un café, d’abord non-magique, puis un autre dans le quartier sorcier. Très récemment, un nouveau beaucoup plus moderne a ouvert sur le Chemin de Traverse, j'ai donc postulé et été pris (à mon grand étonnement).
Donc là, je sers des cafés. Sans possibilité de monter en grade; mais finalement ce n’est pas si grave.
Au début, je dormais par terre, sous des bancs, plutôt du coté moldu d’ailleurs, puis finalement mon travail (de qualité moyenne, vous vous en doutez) a finis par payer et j’ai obtenu un studio minuscule dans un immeuble grouillant de sorciers, proche du Chemin de Traverse.

Je suis là où j’ai toujours voulu être et c’est ça l’important. Oui, on me déteste deux fois plus ici que dans mon trou paumé. Mais c’est pas grave, j’ai une très bonne mémoire et la vengeance est un plat qui se mange froid.

Aujourd’hui, j’espère me débrouiller d’une manière ou d’une autre pour entamer des études. Les livres me manquent.
Vu là où j’en suis, je ne peux qu’avoir confiance en l’avenir, non ?